Fin progressive de la sur-épargne et accélération des arbitrages

[Mars 2023] Avec leur bilan annuel 2022 sur l’épargne et les placements, les économistes de BPCE ont mis en évidence deux nouveaux comportements des ménages en termes de placements financiers.

Deux enseignements principaux émergent du bilan 2022 de l’épargne et des placements financiers : d’une part, les flux de placements financiers des ménages ont progressivement ralenti au cours de l’année et, après le surcroît de placements financiers au premier semestre, les flux sont revenus dans la moyenne de la période pré-Covid au second semestre et d’autre part, à la faveur de la hausse des taux, les arbitrages des ménages se sont accélérés et amplifiés au profit des livrets défiscalisés et des comptes à terme et au détriment des dépôts à vue, de l’épargne-logement et de l’assurance-vie en euros.

Un taux d’épargne toujours élevé, des flux financiers qui ralentissent

Avec un taux d’épargne atteignant 17,8 % au T4 2022, le comportement d’épargne des ménages est resté très actif tout au long de 2022, avec une moyenne de 16,6 % du revenu sur l’année, soit près de deux points de plus que la tendance décennale pré-Covid. Les flux globaux de placements financiers sont restés hors capitalisation et intérêts sont restés également très élevés à 87,5 milliards d’euros mais en net retrait par rapport à 2021 (112,1 Md€) et surtout en net recul au second semestre où ils ont nettement ralenti et sont revenus dans la tendance de 2018-2019, en particulier sur les placements hors titres. Le second semestre 2022 semble donc marquer la fin du surcroît de flux financiers des ménages accumulé en 2020, 2021 et début 2022.

Hausse des taux d’intérêt et montée des arbitrages

A la suite des tensions inflationnistes, la montée conjointe des taux réglementés et des taux de marché a profondément les conditions dans lesquelles les ménages établissaient leurs choix financiers depuis plusieurs années. En particulier, les taux réglementés ont été relevés à deux reprises : d’abord en février à 1 % pour le livret A/LDDS et 2,2 % pour le LEP, puis en août à 2 % pour le livret A/LDDS et 4,6% pour le LEP. La rupture avec les taux nuls les conduit à reconsidérer l’accumulation de stocks sur les dépôts à vue et à davantage envisager une allocation différente quand les taux proposés s’approchent d’un seuil psychologique situé à proximité de 2,5 % – 3,5 % et à partir duquel les épargnants considèrent qu’il est intéressant de faire l’effort d’investir leurs fonds.

Des arbitrages croissants à mesure que les taux d’intérêt s’élèvent

A cet égard, les hausses de taux réglementés ont eu un impact croissant à mesure que le taux du livret A s’est approché de ce seuil, (les flux sur le seul livret A sont passés de 1 Md€ / mois au S1 à 3 Md€ : mois au S2) cet impact est aussi très marqué sur le LEP et devrait encore s’accentuer sur 2023.
Les hausses de taux de marché ont été principalement relayées par les comptes à terme et la collecte d’habitude marginale sur ce support a pris une place majeure dans les flux (environ 16 Md€ au second semestre). Ce double arbitrage (taux réglementés et taux de marché) a accéléré les sorties nettes sur le PEL et sur l’assurance-vie en euros (passées de -1 Md€ / mois au S1 2022 à -2 Md€ / mois au S2 2022) mais l’arbitrage le plus marquant porte sur les dépôts à vue où les flux nets CVS sont passés de +3 milliards d’euros au T1 à -5 milliards d’euros au 4è trimestre !

Des arbitrages plus marqués encore pour la trésorerie des sociétés

Concernant les sociétés, les arbitrages sur stocks sont encore plus nets : alors que le total des flux bancaires est presque nul, la collecte annuelle des DAT s’établit à 54 milliards d’euros et celle sur les DAV à -41 milliards d’euros , la place des livrets dans les flux restant très faible. Au total, sur un marché des produits bancaires des entreprises en stagnation malgré l’inflation, les arbitrages à l’œuvre concernent non plus les flux mais les stocks d’actifs déjà constitués.