Immobilier résidentiel : bilan et perspectives 2023

[Décembre 2022] Impact de la hausse des taux sur les comportements des acheteurs, perception négative de la conjoncture immobilière par les ménages, mise en place de la règlementation énergétique des logements locatifs : le marché résidentiel devrait connaître, en 2023, une chute des volumes des transactions suivie d’un effet décalé et limité sur les prix.

Conjoncture : un repli limité dans l’ancien, une fragilité du neuf

Avec plus de 1,1 million de transactions sur un an, le marché de l’ancien est certes en recul de 5 % l’an mais se situe toujours à un niveau historiquement élevé. Les prix, toujours en forte croissance à 6,4 % l’an au T3 2022, font écho à cette vitalité, même s’ils continuent à illustrer l’asymétrie entre des grandes métropoles en stagnation et un rattrapage des autres zones avec en particulier +8,1 % en province. De même, la production de crédits à l’habitat hors rachats et renégociations a marqué le pas depuis la fin de l’été 2022. Alors que les nouveaux crédits représentaient mensuellement de 19 à 24 milliards d’euros depuis avril 2021, le mois de septembre 2022 a fait tomber la production sous la barre des 18 milliards. Malgré la poursuite de cette décrue sur le 4ème trimestre, les volumes de nouveaux crédits à l’habitat demeurent élevés en termes historiques. Dans le neuf toutefois, au-delà du ralentissement, les difficultés semblent plus structurelles et le recul des mises en chantier semble plus représentatif que le haut niveau artificiel des autorisations.

Une perception des ménages qui s’est dégradée sans perte de confiance

Jamais, depuis 2019, les ménages n’ont jugé aussi négativement la conjoncture immobilière. Seulement 16 % considèrent que le moment est favorable pour acheter quand 44 % sont d’un avis contraire. Toutefois, cette perception dégradée ne vaut pas perte de confiance et les Français continuent à penser majoritairement que les prix vont progresser cette année et ils placent l’immobilier au premier rang de leurs placements préférés.

Leurs projets d’achat sont clairement orientés à la baisse, quel que ce soit le type d’acquisition, mais l’on observe une relative stabilité des projets de vente.

Taux et DPE, des facteurs de transformation de la demande

La forte hausse des taux d’intérêt sur le crédit immobilier a été beaucoup moins marquée qu’en Europe : l’écart de 20 points de base avec la moyenne de l’UE en octobre 2021 est passé à 89 points de base en octobre 2022, les taux fixes étant en France parmi les plus bas européens.

Pour autant, cette évolution pèse beaucoup sur les projets des ménages. Seulement un quart de ceux qui avaient un projet d’achat estime que la hausse des taux n’a pas eu d’impact sur leur projet, tandis que pour les autres : ¼ a renoncé, ¼ l’a reporté et ¼ l’a modifié. La hausse des taux impacte donc d’ores et déjà le comportement des Français et modifie la dynamique du marché.

La mise en œuvre des contraintes associées au DPE (diagnostic de performance énergétique) a aussi une influence importante sur le marché résidentiel. 78 % des Français estiment que cela joue un rôle important. Pour l’essentiel, ils réagissent en préférant éviter d’acheter des biens en F ou G. Mais une minorité estime que cela peut offrir des opportunités. Par ailleurs, un tiers des projets de vente serait aujourd’hui influencé par l’existence d’un DPE F ou G.

Baisse sensible des transactions, recul limité des prix

Le taux moyen des crédits atteindrait 3 – 3,2 % fin 2023. Avec un retour aux taux d’intérêt de 2014, le recul de la solvabilité serait très significatif, malgré l’allongement de la durée à l’octroi qui continuerait de tendre en moyenne vers 24 ans pour l’acquisition de la résidence principale. Celle-ci reviendrait à son niveau de 2000, perdant les gains acquis entre 2012 et 2019. Cette augmentation des taux pèserait d’abord sur les transactions, en recul de l’ordre de 10 % en 2023 puis sur les prix avec une baisse en glissement annuel de 2,5 % en fin 2023, même si en moyenne, le maintien d’une hausse est probable en 2023. En conclusion, un schéma de taux d’intérêt en croissance, entrainant une baisse des volumes puis un effet décalé et limité des prix dans un contexte d’inflation où les prix nominaux sont toutefois moins représentatifs des évolutions de la valeur immobilière qui diminuerait plus sensiblement en termes réels.

La question du locatif  : panorama du parc locatif

Le parc locatif privé accueille environ 7,5 millions de ménages, soit environ un quart des résidences principales. C’est le deuxième statut d’occupation, devant le logement social (5,3 millions de logements). Ce parc est désormais détenu à 97 % par des personnes physiques. Il est donc très fragmenté et dépend des choix d’une multitude de bailleurs privés.

Qui sont les bailleurs privés ?

D’après le baromètre BPCE / Audirep mené en juin 2022, 13 % des Français sont des bailleurs privés, qu’ils détiennent un bien locatif seul ou à plusieurs, en direct ou via une société civile immobilière (SCI). Ces bailleurs sont principalement issus des classes moyennes et supérieures, avec une surreprésentation des 50-64 ans. Malgré cet âge moyen plutôt avancé, le renouvellement semble assuré : les jeunes actifs sont nombreux à envisager l’acquisition d’un bien locatif (près de la moitié des 18-29 ans).

Les modèles de location sont diversifiés. Si 62 % des bailleurs détiennent un seul bien, le parc locatif reste concentré autour de quelques multidétenteurs (3 % détiennent 6 biens et plus). Le modèle de la location vide ou nue d’appartements de petite surface s’impose : 67 % louent un studio et/ou un deux pièces. En termes de modes de gestion, la moitié des bailleurs traitent directement avec le locataire, 44 % via un professionnel de l’immobilier et 10 % via le gestionnaire d’une résidence de service (étudiant, senior, tourisme…) : un marché en grande partie intermédié.

Stratégies et typologie des bailleurs

L’analyse des motivations et des critères de choix des bailleurs fait ressortir trois stratégies :

  • Rente et patrimoine (38 %). Ces bailleurs parviennent à dégager des revenus de leurs investissements locatifs, parce qu’ils ont investi depuis plusieurs années et qu’ils sont souvent multidétenteurs. L’essentiel de leur stratégie patrimoniale est associé à cette détention de biens immobiliers.
  • Optimisation fiscale et diversification (29 %). Le bien locatif est avant tout un actif qui doit produire une rentabilité de long terme, qui se matérialise davantage à la revente que par la perception des loyers qui couvrent à peine les charges. Les 50-64 ans, soumis à une plus forte pression fiscale avec le départ des enfants, sont surreprésentés dans ce groupe. La gestion des biens est généralement déléguée à des professionnels.
  • Valeur d’usage et attachement (33 %). L’origine des biens est principalement l’héritage ou la donation. La mise en location permet de maintenir dans son patrimoine un bien auquel on est attaché, avec un usage pour soi ou pour ses proches. L’enjeu est moins d’optimiser la rentabilité que de couvrir les coûts. Les difficultés avec les locataires sont plus prégnantes, s’agissant plus souvent de location avec une rotation forte.

Ces stratégies ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Elles témoignent d’un attachement commun des bailleurs privés au long terme, qui traduit une volonté de sécuriser l’avenir et une conviction fondamentale dans les avantages de la pierre.

Les atouts de l’immobilier locatif se heurtent néanmoins aux risques soulevés par ce placement « pas comme les autres ». Le bien locatif n’est pas seulement un actif, avec une valorisation et une rentabilité, mais aussi un bien physique (à la liquidité relative) et une réalité humaine, avec les aléas que cela comporte. Dans la hiérarchie des risques associés à l’investissement locatif, les difficultés avec les locataires ressortent en premier, suivies des contraintes réglementaires et de la fiscalité, la politique publique étant déterminante pour évaluer la pertinence d’une opération.

La question de la rénovation énergétique

Le parc locatif privé compte 1,6 million de « passoires thermiques », soit 9 % dont le DPE est G et 11 % dont le DPE est F. L’interdiction de location respectivement au 1/1/2025 et au 1/1/2028 de ces logements dramatise cette question. Or, près de la moitié des bailleurs et plus de 80 % des locataires ne connaissent pas le DPE de leur logement et les bailleurs qui affirment le connaître surestiment manifestement cette performance énergétique.

L’enjeu est compris : à la contrainte réglementaire, les bailleurs associent la disponibilité des aides et les gains futurs pour la valeur de bien et pour la relation avec leurs locataires. Mais les intentions de travaux de rénovation énergétique ne concernent que 32 % des bailleurs, plutôt plus jeunes, à un horizon de 5 ans et les aides ne répondent qu’à la dimension financière des freins à investir. Or, en supposant que celle-ci soit réglée, d’autres freins, soit pratiques (présence du locataire dans les lieux, négociation et accord à obtenir en copropriété pour des travaux d’envergure concernant 1,2 million de logements collectifs), soit liés à la qualité de l’offre (incertitude sur le rapport coût/bénéfice, manque d’expertise, difficulté à trouver des artisans compétents et fiables…) sont plus difficiles à surmonter car ils confrontent les bailleurs à une offre encore en décalage avec les besoins quantitatifs et les attentes qualitatives.

Faute d’aménagement du calendrier, le secteur locatif privé risque d’entrer dans une zone de flou, voire de confrontation, qui risque de peser plus encore sur la relation locataire-bailleur.