Epargne & Placements : des modes de vie des Français durablement modifiés

[Juillet 2021] Selon le baromètre BPCE L’Observatoire – Audirep « Epargne et Placements », les Français s’accordent pour penser que les effets de la pandémie devraient être durables et les conduire à modifier significativement leurs modes de vie.

Consommation maîtrisée, recentrage sur le « monde proche » de la famille, du logement et des circuits locaux ou nationaux, ces changements devraient marquer la reprise des dépenses après les épisodes de confinement. Comme le montrent les indicateurs de l’Insee, le rebond des intentions d’achats et des dépenses en mai ne s’accompagne donc pas d’un net recul des intentions d’épargne. Ce paradoxe apparent est confirmé par le baromètre BPCE L’Observatoire – Audirep. La détente sur les craintes financières personnelles et les incertitudes économiques à court terme ne conduit pas à un relâchement des comportements d’épargne : comme en février 2021, 89 % des Français disent mettre de l’argent de côté ou essayer de le faire et 43 % estiment qu’ils ne disposent pas d’un volant suffisant d’épargne de précaution. En effet, au-delà du léger reflux des craintes de court terme, les préoccupations patrimoniales, de solidarité familiale ou liées au cycle de vie se maintiennent à un haut niveau (achat immobilier, aide aux enfants ou petits-enfants, retraite, transmission). Face à la montée des peurs de déclassement social et à la dégradation des anticipations de revenus futurs pour eux-mêmes ou leurs enfants, les Français maintiennent la garde en matière d’épargne et rien ne laisse penser que la reprise de l’activité sera nourrie par une consommation de la sur-épargne antérieure. La décrue du taux d’épargne devrait être graduelle et limitée malgré l’amélioration du contexte économique.

Maintien d’un taux d’épargne élevé pour les ménages 

Les révisions de prévisions apparaissent désormais plus optimistes, même si elles dépendent de la date d’atteinte du seuil de l’immunité collective. La croissance française pourrait dépasser 5,1 % en 2021 et 3,9 % en 2022, grâce à la combinaison d’un assouplissement encore illimité des banques centrales de part et d’autre de l’Atlantique et de plans exceptionnels de relance budgétaire monétisée, à l’exemple du plan français de stimulation de l’activité, ainsi qu’à la préservation du tissu productif et des revenus des particuliers. Ce rattrapage serait loin d’effacer la perte antérieure de richesse avant le 1er semestre 2022. Il n’empêcherait pas le chômage de monter pendant la période de transition progressive de fin du « quoi qu’il en coûte ». Même en cas de normalisation sanitaire, il est d’autant moins probable que le taux d’épargne rejoigne rapidement sa tendance antérieure à 14,5 % que sa hausse récente est surtout le fait de ménages aisés dont la propension à consommer est plus réduite que la moyenne. De plus, l’effet déstabilisant de taux d’intérêt nominaux et réels toujours extrêmement faibles, qui ne reflètent plus une préférence légitime pour le présent, pourrait éventuellement pousser les ménages à maintenir une épargne encore abondante, potentiellement pour des préoccupations visant la retraite, pour compenser l’insuffisance des rendements, surtout en cas d’anticipation d’une inflation plus forte. Le taux d’épargne devrait donc rester élevé et s’établir à 19,8 % en 2021 et 16,8 % en 2022. 

Des placements financiers records en 2020 reculeraient progressivement d’ici à 2022

Mesurés en termes d’effort net de placement par l’excédent des versements sur les remboursements opérés sur les différents actifs financiers (flux hors intérêts et capitalisation des intérêts), les placements financiers, qui ont atteint un record absolu de 133,3 milliards d’euros en 2020, reculeraient progressivement vers 113,6 milliards d’euros en 2021, puis vers 77 milliards d’euros en 2022.

Ces niveaux toujours très élevés correspondent au cumul des craintes économiques persistantes pour soi-même (montée du chômage et des impôts, baisse de la protection collective, notamment des retraites…) et pour l’économie nationale en général. Ce reflux progressif, contrecoup du passage d’une épargne forcée à une épargne renforcée de précaution, produirait des arbitrages toujours guidés par l’attentisme, la recherche de sécurité et de disponibilité au détriment du risque, du fait de taux d’intérêt considérés comme étant anormalement bas. Les flux sur dépôts à vue (DAV) resteraient très positifs (36,1 milliards d’euros en 2022), la perspective de dépenser le surplus antérieur étant marginale, mais de plus en plus en vue de les affecter ultérieurement à un support de placement. En 2022, on assisterait ainsi à la poursuite du déplacement des dépôts à vue au profit des livrets (34,5 milliards d’euros) et de l’assurance-vie (19,5 milliards d’euros), phénomène déjà notable au 1er trimestre 2021. L’assurance-vie prolongerait son redressement amorcé dès 2021, du fait de la moindre décollecte sur les produits euros (-7,6 milliards d’euros) et surtout de la dynamique des UC (27,1 milliards d’euros), ces derniers profitant également du développement des nouveaux PER dont la quotité d’UC est supérieure à la moyenne des contrats.

De façon générale, la montée de la préoccupation pour la retraite et le succès des nouveaux PER, que ce soit au titre de 2020 ou au regard des intentions exprimées pour 2021-2022, aussi bien sur les supports individuels que collectifs, devraient soutenir la collecte globale en assurance-vie. Les titres, globalement négatifs en 2022 (-5,5 milliards d’euros), retrouveraient une forme d’aversion aux placements risqués en 2022 avec la hausse des cours et des marges de manœuvre plus étroites pour les stratégies opportunistes, mais les flux resteraient positifs sur les seules actions avec un élargissement sensible de la population des actionnaires actifs.