Les Rendez-vous Immobilier BPCE : la nouvelle donne de l’habitat

[Juin 2021] Le recentrage des ménages sur leur logement avec la montée des préoccupations liées à l'habitat modifie leurs attentes qualitatives et leurs choix territoriaux, soutient la demande dans l'ancien et les travaux mais la construction reste en retrait.

L’évolution des aspirations des Français en matière de logement et la transformation qu’elles entraînent sur les marchés résidentiels, notamment à l’échelle territoriale, se traduisent par une nette inflexion de la tendance antérieure à la métropolisation. Ce recentrage des Français sur leur logement explique largement la vitalité du marché de l’ancien et le dynamisme de la demande de travaux qui devrait se prolonger en 2021 et 2022, même si un léger ralentissement est à prévoir l’an prochain. Le marché du neuf subit des tensions plus vives avec un hiatus entre les aspirations des Français les portant vers la maison individuelle et une politique du logement qui prône un objectif de « zéro artificialisation » mais aussi une difficulté croissante dans le collectif, singulièrement pour la promotion privée, à reconstituer l’offre (avec des autorisations en net recul) qui, s’ajoutant aux tensions sur le foncier, au renchérissement des normes et à la montée des prix des matériaux, compromettent une nette reprise des mises en chantier pour 2021-2022.

L’habitat deviendrait la « grande affaire » post-Covid des ménages 

Dans un contexte général dominé par de nombreuses incertitudes, la conjoncture du logement apparaît dynamique même si certains marchés voient progressivement leurs conditions de fonctionner altérées par les crises sanitaire et économique. Avec le recul, il semble que l’habitat devienne la « grande affaire » post-Covid des ménages qui, majoritairement, adoptent des changements de modes de vie susceptibles de durer. L’importance donnée à l’environnement proche (la famille, le logement) et à la qualité de vie conduit les ménages à réinvestir massivement la notion d’habitat.

Cette réappropriation de leur habitat se manifeste en particulier au travers des projets de travaux qui se généralisent parmi les propriétaires de biens immobiliers, à la fois à des fins d’embellissement, d’amélioration du confort, de gros travaux de rénovation ou d’extension et de transition énergétique (43 % des propriétaires envisagent des travaux d’économies d’énergie d’ici à 5 ans). L’effet croisé de ces aspirations et du lancement du dispositif « MaprimeRénov » conduisent à une forte montée de la demande auprès des entreprises de second œuvre. 

Le marché de l’ancien apparaît également florissant, l’attrait pour le logement se trouvant particulièrement renforcé dans un climat sanitaire incertain qui conforte sa valeur refuge à plusieurs titres. Au 1er trimestre 2021, l’activité a même dépassé la dynamique saisonnière, l’aspiration des ménages à améliorer leurs conditions de vie ayant été stimulée dans ce contexte atypique. Toutefois ces évolutions qualitatives ont aussi des effets territoriaux marqués. La baisse de la part des transactions en Ile-de-France s’accompagne d’une réorientation vers la Grande Couronne au détriment des opérations sur Paris. De façon plus précise, sur l’année 2020, la plupart des départements abritant une grande métropole régionale ont connu une baisse significative de leurs transactions dans l’ancien alors que de nombreux départements abritant des villes moyennes ont connu une forte hausse de leurs opérations. 

Intérêt croissant pour la maison individuelle et prix moyens en hausse en Ile-de-France et en province

L’évolution des prix fait écho à celle des opérations. Ainsi, en Ile-de-France, un ralentissement s’opère depuis la fin de l’année dernière sur les hausses de prix des appartements, avec même l’apparition d’une légère baisse à Paris au 1er trimestre (-0,9%), comparé au dernier trimestre 2020. En revanche, l’intérêt des Français pour la maison individuelle s’intensifie, et se traduit par des hausses de prix moyens aussi bien en Ile-de-France qu’en province. L’évolution des prix des appartements de 3 pièces dans une quarantaine de villes françaises met aussi en évidence un phénomène nouveau. Les hausses de prix les plus vives concernent non plus quelques grandes métropoles mais un grand nombre de villes moyennes, le plus souvent situées à l’ouest du pays, du Havre à Pau, en passant par Angers, Tours ou Limoges.

Les effets du 3e confinement auraient pu s’additionner au ralentissement saisonnier de l’immobilier résidentiel en début d’année et ternir cette conjoncture, avant la reprise habituelle de l’activité au printemps. La demande a finalement fait preuve de vitalité avec le soutien de taux d’intérêt toujours proches de leurs plus bas historiques et de conditions d’octroi de crédit par les banques plutôt favorables. Les perspectives 2021-2022 du marché de l’ancien devraient s’inscrire dans ce contexte toujours positif. D’une part, la confiance des ménages dans l’immobilier semble solide avec des anticipations de prix toujours orientées à la hausse à court, comme à moyen terme et une progression sensible de la part des Français aspirant à acheter un logement, en particulier dans l’année à venir et dans les grandes agglomérations, le plus souvent pour la résidence principale. D’autre part, le maintien d’une politique monétaire toujours très accommodante visant à limiter les écarts de taux longs entre pays européens devrait contenir la hausse des taux tandis que le caractère bientôt contraignant des critères du HCSF devrait plutôt contribuer à ralentir qu’à endiguer la dynamique du crédit, notamment pour l’investissement locatif et la primo-accession. 

Sans mesures de soutien, l’activité dans le neuf pourrait se dégrader

Dans un paysage immobilier très contrasté, à défaut de mesures de soutien de la part du Gouvernement et d’un plan de relance pour le logement, l’activité dans le neuf pourrait se dégrader ou se maintenir très en deçà des années 2016-2019. En effet, le rebond des mises en chantier ne s’est pas accompagné d’une nette accélération des permis de construire, en particulier dans le collectif où l’inversion entre la courbe des autorisations et celle des constructions est sans précédent. Elle semble illustrer spécifiquement la difficulté de la promotion privée à reconstituer son portefeuille de projets et à l’adapter à l’évolution de la demande. Malgré le rebond du premier 1er trimestre 2021, la tendance à la baisse des mises en vente ne semble pas devoir être remise en cause et la reprise des réservations des particuliers, désormais concurrencées par la demande des institutionnels, notamment dans le logement intermédiaire, devrait s’accompagner d’un recul prolongé des stocks des opérateurs. Il est à craindre que le rebond d’activité du début d’année ne se confirme pas ensuite et que le neuf reste handicapé par les difficultés croissantes à mobiliser du foncier du fait de la hausse des prix et des réticences toujours vives de certains exécutifs locaux après les élections, par les contraintes imposées par les règles sanitaires et les difficultés d’approvisionnement ou l’inflation des matériaux et enfin par la mise en œuvre l’an prochain des normes associées à la RE2020. L’individuel semble davantage stimulé par une demande forte des ménages, la clientèle traditionnelle des primo-accédants modestes étant relayée par une clientèle plus solvable d’ex-urbains aspirant à changer d’habitat mais l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols et le resserrement des conditions d’accès aux PTZ compromettent sa dynamique à moyen terme. Dès lors, il est à craindre que la période 2021-2022 ne marque pas de véritable rebond en matière de construction après le recul de 2020. 

De nombreuses questions restent finalement ouvertes par la crise inédite provoquée par la pandémie. Un nouvel équilibre entre la construction neuve et l’entretien ou la rénovation du parc existant doit-il être envisagé aussi bien en ce qui concerne la politique du logement que la demande des ménages ? Les effets produits par la crise actuelle pourraient-ils conduire à un rééquilibrage du marché résidentiel au profit de la province, des villes moyennes et de la maison ? La violence de cette crise spécifique est-elle en mesure de rebattre vraiment les cartes et les tendances antérieures de fractures territoriales croissantes, en transformant les aspirations des ménages français ou bien ne sera-t-elle qu’une période d’inflexion d’une tendance lourde et finalement inéluctable à la métropolisation ?