L’industrie en première ligne de la vague inflationniste

[Juillet 2022] Tous les ans, BPCE L'Observatoire dresse un bilan de la situation des entreprises en France. Cette année, elles sont confrontées à trois grands défis : le choc inflationniste, le remboursement de la dette covid et le redressement de leur activité.

Post confinement, l’euphorie du redressement très rapide du PIB a pris fin au 4e trimestre 2021, avant même la guerre en Ukraine. Les signaux qui étaient presque tous au vert (défaillances en baisse, fort rebond économique, demande dynamique, taux de marge élevés, trésorerie fournie, …) sont passés à l’orange, à l’exception de l’investissement.

Tensions sur les conditions d’exploitation des entreprises

Dans ce contexte, les conditions d’exploitation sont de plus en plus contraintes par la hausse des coûts et des goulots d’étranglement (prix de l’énergie et des matières premières, pénuries, difficultés d’approvisionnement et de recrutement) renforcés par les restrictions en Chine au 1er trimestre et la guerre en Ukraine.
Au niveau sectoriel, « les premiers seront les derniers » :   moins touchée par la récession de 2020, l’industrie est frappée par la hausse des prix des matières premières et une récession prolongée. Mis en œuvre au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le plan de résilience   économique et social est vraisemblablement sous dimensionné et devrait produire des effets limités. L’industrie française pourrait donc s’affaiblir à nouveau dans les prochains trimestres. A l’inverse, les services rebondissent nettement, même les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire car préservés par un soutien massif de l’État lors des chocs récessifs.
La hausse des prix des intrants (matières premières, énergie, …) est telle, que les entreprises ne la répercutent que partiellement sur leurs clients. Les termes de l’échange au 1er trimestre 2022 sont globalement inférieurs de 7 % à ceux d’avant crise, et cela touche plus l’industrie que les services. Ces mouvements de prix dégradent la rentabilité et aussi la trésorerie des entreprises, déjà mise sous pression par les remboursements de la dette covid (PGE et reports divers).

Un ralentissement attendu des placements et des crédits aux entreprises 

La dégradation de l’environnement économique et la hausse des taux devraient freiner les crédits aux entreprises. Très résilient, l’investissement progresserait modérément dès la fin de l’année 2022   ce qui limiterait les sollicitations de crédit. La trésorerie des entreprises, surtout les TPE-PME, est de plus en plus fragilisée par les remboursements de PGE et la conjoncture dégradée. 

Notre scénario prévoit donc un ralentissement de l’encours de dette bancaire des entreprises (+32 milliards d’euros en 2022 et +14 milliards d’euros en 2023). Les placements bancaires se stabiliseraient en 2022 (+37 milliards d’euros après +35milliards d’euros en 2021), avant de ralentir en 2023 (+31 milliards d’euros), avec une réallocation en faveur des supports rémunérés (comptes à terme), au détriment des dépôts à vue, dans un contexte de hausse des taux.

En définitive, les entreprises amorceraient un désendettement bancaire net (les dettes diminuées des placements) dès 2022 (-5 milliards d’euros) qui s’amplifierait en 2023 (-17 milliards d’euros), induit essentiellement par le remboursement des PGE et aussi par le retour à un environnement économique plus contraignant pour l’endettement et moins générateur de trésorerie. 
Ces évolutions d’encours sont exprimées en nominal (aux prix courants) mais, en termes réels (après neutralisation de l’inflation), le désendettement serait plus sensible tandis que les flux nets de placements des entreprises suffiraient à peine à préserver la valeur réelle de la trésorerie.