Groupe BPCE
en
Fermer le formulaire de recherche
Retour

Une épargne et des dépôts à vue des ménages toujours élevés

[Décembre 2021] L’économie a bien retrouvé son niveau pré-crise en septembre 2021 mais la consommation reste inférieure à son niveau de fin 2019. L’épargne et les dépôts à vue des ménages demeurent toujours très élevés et l’épargne-retraite individuelle bénéficie d’une dynamique sans précédent.

BPCE L'Observatoire

Persistance de la sur-épargne et nouvelles motivations des ménages

La France va probablement connaître un rebond économique en apparence spectaculaire de 6,8 % en 2021. Cette progression n’est pourtant que le miroir inversé de la chute historique de 8 % de son niveau de richesse de 2020, chute engendrée par l’arrêt « administré » de la production avec le confinement strict lié à la Covid-19. Si son économie a ainsi retrouvé son niveau pré-crise en septembre 2021, grâce notamment aux progrès de la vaccination et au soutien exceptionnel apporté par les politiques monétaire et budgétaire du « quoi qu’il en coûte », la consommation est cependant encore inférieure de 0,9 point à son niveau de fin 2019. 
Comme après la plupart des crises de grande ampleur, le taux d’épargne des ménages ne se normalise que très lentement. Après deux années exceptionnelles (respectivement 21,4 % en 2020 et 19,3 % en 2021), il devrait se rapprocher de son niveau d’avant crise qu’en 2022, tout en lui restant supérieur à 15,7 %. Cela signifie qu’il ne parait pas envisageable à ce stade que la sur-épargne accumulée durant la crise alimente la croissance par un surcroît de consommation dans les mois à venir.

Des changements de mode de vie 

La volonté d’épargner demeure d’ailleurs prégnante, en dépit de la baisse depuis juin des craintes sur l’évolution du chômage. En effet, la hausse des prix et les craintes associées sur le pouvoir d’achat mais aussi, dès avant les annonces de la cinquième vague, la perspective d’une sortie de crise lointaine et imposant des changements significatifs de modes de vie, sont venues renforcer des anticipations de long terme dégradées, notamment en matière de retraite. On observe ainsi, au-delà d’une posture généralisée de vigilance à l’égard du lendemain, une multiplication des motivations d’épargne : hausse des prix, montée de la dette publique qui préoccupe 62 % des Français… mais aussi anticipation des difficultés économiques dans le futur. En particulier, la hausse récente du taux d’épargne est surtout le fait de ménages aisés, dont la propension à consommer est naturellement plus réduite que la moyenne. Ils sont sensibles à l’effet déstabilisant de taux d’intérêt nominaux et réels toujours extrêmement faibles. Cela semble éventuellement les pousser à maintenir une épargne encore abondante, potentiellement pour des préoccupations visant la retraite, pour compenser l’insuffisance des rendements, surtout si l’inflation plus forte (2,8 % l’an en novembre 2021) commence à éroder leurs encaisses réelles. Les retraités quant à eux ont davantage tendance à craindre les effets de la hausse des prix et à anticiper des hausses prévisibles d’impôts, face à la dérive de la dette publique.

Pas de retour rapide à la situation d’avant crise

Ce comportement toujours prudent s’est manifesté tout au long des trois premiers trimestres de 2021 par un surplus mensuel de placements financiers de 4,9 Md€ (flux hors intérêts et capitalisation boursière), contre 8,2 Md€ de mars à décembre 2020, par comparaison à la situation d’avant crise.  C’est ainsi que le total cumulé des flux hors titres a atteint 100,3 Md€ en septembre 2021, inférieur de seulement 6,6 % à celui de 2020 à la même période.
La projection en forme de bilan pour la fin de 2021 traduit bien l’absence de retour rapide à la situation d’avant crise, reflet certes d’une crise atypique mais également d’une inertie classique d’ancrage après un tel choc. L’ensemble des placements financiers des ménages pourrait dès lors atteindre 110,2 Md€ en 2021, contre 141 Md€ en 2020 et 74,4 Md€ en 2019, soit un surplus supérieur à 130 Mds sur deux ans en comparaison d’une situation normale.

Des dépôts à vue à l’épargne-retraite, autopsie d’un grand écart sur les placements financiers

L’épargne liquide et sécurisée, traduisant un comportement d’épargne de précaution, est restée au sommet. Les dépôts à vue (DAV) et les livrets devraient enregistrer une collecte annuelle proche respectivement de 56 Md€ et de 50 Md€ mais en net repli par rapport à 2020. Le recul relatif des DAV et des livrets mais aussi l’accélération du recul du PEL s’expliquent en partie par le net redressement de l’assurance-vie, tiré par la collecte exceptionnelle des unités de compte (les UC, dont la part dans les encours est passée de 21 à 27 % depuis mars 2020) et par la moindre décollecte des produits euros. 

Plus de réactivité objective des épargnants

Les dépôts à vue ont toutefois connu des flux historiquement élevés, démentant la thèse d’une quelconque consommation de la sur-épargne accumulée. La position des ménages sur leurs flux excédentaires reste en effet dominée par la volonté de les investir sur d’autres actifs ou simplement de les laisser en comptes à vue, pour de multiples raisons qui renvoient, outre l’attrait traditionnel pour la disponibilité et le souci de préparer des projets, à l’atteinte des plafonds sur les livrets ou à la faible rémunération des placements alternatifs. Interrogés sur le niveau de taux d’intérêt qui les ferait opter pour d’autres supports, les épargnants semblent conserver des références analogues à celles de 2018 avec un taux médian d’arbitrage s’élevant à 2,9 %.  
Néanmoins, la réactivité objective des épargnants semble plus marquée. Une estimation à partir d’une modélisation économétrique a été effectuée pour 2022 en cas de hausse potentielle du taux du livret A à 0,8 % en février prochain, compte tenu de l’accélération de l’inflation. Cette décision, éminemment politique et qui porte en elle-même un risque important d’engendrer des arbitrages violents entre actifs et de nuire au financement du logement social, induirait, toutes choses égales par ailleurs, un impact très positif sur le total des livrets (+11,2 Md€), dont le livret A (+4,2 Md€), davantage aux dépens de l’assurance-vie (-6,5 Md€) que des DAV (-3,8 Md€), voire des CAT (-0,9 Md€).
Concernant les titres, on semble assister à la fin progressive des comportements opportunistes, avec la diminution des flux nets sur les actions cotées et des sorties importantes sur les OPC non monétaires, du fait de la réduction des gains faciles et rapides avec la hausse des cours. Au total, les flux négatifs sur les OPC et les obligations devraient ramener les flux sur titres à des niveaux proches de 2018-2019, de l’ordre de -10 Md€.

Dynamique sans précédent de l’épargne-retraite individuelle 

Les placements orientés vers le long terme sont donc dominés par l’assurance-vie en UC mais aussi par l’émergence confirmée d’un attrait durable pour les supports d’épargne-retraite, eux-mêmes investis à environ 50 % en supports UC et contribuant à leur succès. La création du plan d’épargne-retraite (PER), au-delà du succès d’estime traditionnel qui entoure le lancement d’un nouveau produit financier, semble être de nature à modifier durablement le marché de l’épargne-retraite. Alors que l’épargne-retraite individuelle était le parent pauvre de ce marché, elle a bénéficié depuis deux ans d’une dynamique sans précédent : la collecte sur 2021 devrait atteindre 5 Md€ contre une tendance moyenne d’environ 1,2 Md€ par an sur les supports à adhésion individuelle et 900 000 nouveaux contrats (hors transferts) ont déjà été souscrits à comparer à 2,8 millions de contrats fin 2019, un chiffre en recul depuis trois ans. Ce succès semble par ailleurs confirmé par des intentions de souscriptions élevés (23 % des non-détenteurs), en particulier parmi les 35-49 ans mais aussi chez les 18-35 ans très préoccupés par le niveau futur de leur retraite. Concernant la retraite collective, les intentions de souscription (dans le secteur privé) sont plus marquées encore avec 35 % se disant intéressés mais le marché semble surtout confronté à un enjeu de visibilité et de disponibilité de l’offre : seulement 13 % des salariés du privé pensent que leur entreprise propose un PER collectif et 8 % « qu’elle devrait bientôt le proposer » tandis que 30 % « ne savent pas » si le dispositif existe dans leur entreprise. Après plusieurs décennies de faible progression et de réponse très partielle aux attentes, l’épargne-retraite paraît en mesure de prendre une part significative dans les choix d’actifs des ménages, ce qui, compte tenu de leur horizon de gestion, devrait être vertueux pour le financement de l’économie.
 

 

Pour en savoir plus

Retour