Un magnifique héritage à faire fructifier pour le biathlon français
Quand un immense et médiatique champion met un terme à sa carrière, rien n’est plus pareil pour l’Équipe de France de sa discipline. Mais, alors que la nouvelle saison de biathlon reprend, ce n’est pas le vide pour autant. Décryptage.
Un départ en fanfare
Ainsi donc Martin Fourcade s’en est allé. Et avec panache puisqu’il a achevé sa magistrale carrière par deux titres de champion du monde à Antholz-Anterselva. Comme toujours avec ces grands champions qui partent, il est question du vide ou du fardeau, c’est selon, qu’ils laissent à ceux qui restent. Soit la présence d’un grand champion a masqué le manque d’une relève ou bien quand celle-ci existât, sa domination l’a un peu écrasée. L’héritage s’avère souvent extrêmement lourd à porter.
On demande tout de suite beaucoup à ceux qui arrivent. À tel point que pour certaines disciplines, on parle d’arbre qui ne cachait aucune forêt. On pense par exemple au tennis avec Yannick Noah qui n’a jamais eu de successeur comme vainqueur d’un tournoi du Grand Chelem, d’Alain Prost en Formule 1 qui n’a vu aucun pilote français devenir champion du monde. On n’a jamais remplacé Jean-Claude Killy auteur d’un trop grand exploit – les trois titres Olympiques en 1968 dans les trois disciplines – pourtant le ski français a connu de nombreux autres champions. On cherche encore un successeur à Laurent Fignon dernier Français vainqueur du Tour du France.
Ce qui n’est pas le cas des disciplines Olympiques où la formation française parvient toujours à renouveler ses générations de champions. Ainsi l’athlétisme a su trouver des remplaçantes en haut de l’affiche à Marie-Jo Pérec, certes pas à son égal (trois titres Olympiques) mais à très haut niveau comme Christine Arron, Eunice Barber ou Renaud Lavillenie. En natation, après l’arrêt de Laure Manaudou, toute une génération de grands nageurs et nageuses comme Alain Bernard, Yannick Agnel, la regrettée Camille Muffat ou encore Florent, le frère de Laure, ont entretenu la flamme de la natation française. Et au biathlon aussi, la formation française parvient à maintenir une densité à haut niveau.
Rupture dans la continuité
Ainsi, lorsque Raphaël Poirée met un terme à sa carrière le 11 mars 2007 au bout d’un sprint de légende face à son éternel rival Ole Einar Bjørndalen qui lui ravit cette ultime victoire dans la mass start pour quelques malheureux centimètres, Vincent Defrasne gagne l’individuel de la première étape de la Coupe du monde suivante à Kontiolahti en Finlande. Et Martin Fourcade sort au plus haut niveau lors de la saison suivante puisqu’il remporte sa première Coupe du monde et déjà deux médailles d’argent aux Jeux Olympiques de Vancouver en 2010. Le biathlon français sait donc entretenir l’excellence.
Et cette saison s’inscrit dans la continuité. Toutefois, on ne perd pas un champion comme Martin Fourcade sans conséquences. À la fois pour les résultats mais surtout en termes d’incarnation de la discipline. Par sa personnalité et son éthique du sport, Martin Fourcade a porté le biathlon auprès du grand public en proposant une image de sa discipline très attrayante. C’est en cela que la discipline pourrait souffrir de cette absence. Le biathlon français dispose d’ores et déjà de différents visages et de personnalités riches. Mais on le sait, la médiatisation du sport contemporain est impitoyable : pour exister il faut gagner. Et là encore, le biathlon français a du potentiel.
Sur les épaules de Quentin Fillon Maillet
À commencer par Quentin Fillon Maillet. À 28 ans, il arrive à maturité et surtout assume ce rôle de leader. Mais l’assumer est une chose, l’accomplir en sera une autre. Jusqu’ici ce sont les épaules de Martin Fourcade qui portaient l’essentiel de la pression de l’Équipe de France. Quentin Fillon Maillet en est toutefois fort capable. Il a déjà le palmarès (deux titres de champion du monde) et il est très régulier comme en attestent ses deux 3e place au classement de la Coupe du monde ces deux dernières années derrières les deux légendes Martin Fourcade et Johannes Boe. Ensuite, d’autres excellents éléments peuvent aussi aller chercher des victoires. Ils l’ont déjà fait : Simon Desthieux, Antonin Guigonnat, Emilien Jacquelin, Fabien Claude qui vient de décrocher une belle 2e place lors de la poursuite de la 2e étape de la Coupe du monde à Kontiolahti.
Bien sûr, leur destin dépendra aussi de la forme et de la saison de Johannes Boe qui demeure le grand leader de cette discipline maintenant que son rival lui a laissé enfin place libre. Les deux premières étapes de la Coupe du monde à Kontiolahti en Finlande ont déjà montré que les Norvégiens étaient en grande forme. Les Français ont en revanche été plus à la peine avec une 8e place, qui ne correspond pas à leur rang.
Si les biathlètes femmes ont durant certaines périodes assuré le leadership, on pense au titre olympique du relais aux Jeux d’Albertville ou bien des brillants parcours de Sandrine Bailly, Emmanuelle Claret, Marie Dorin, Anaïs Bescon… les filles ont été un peu en retrait durant la période Poirée-Fourcade. Elles ont des atouts avec notamment Justine Braisaz - soutenue par la Caisse d'Epargne Rhône Alpes - et Julia Simon, Chloe Chevalier et Anaïs Chevallier Bouchet qui a décroché le premier podium de la saison. Elles ont montré en Finlande qu’on pouvait compter sur elles en prenant une brillante 2e place au relais lors de la 2e épreuve de Coupe du monde.
Une saison qui s’annonce très particulière. La Fédération internationale a décidé d'annuler plusieurs étapes (Ostersund, Grand-Bornand, Ruhpolding, Pékin) et de regrouper les épreuves sur un minimum de sites afin de limiter les déplacements. Beaucoup d’interrogations, donc, au départ de cette saison qui justement va s’avérer passionnante pour cela.
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