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Ilman Mukhtarov, lutte

Ilman Mukhtarov, lutte : « Rendre à la France ce qu’elle m’a donné »

Ilman Mukhtarov vise la qualification au prochain tournoi de qualification olympique (TQO) de Bakou pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, ce qui représenterait un symbole très fort pour cet athlète soutenu par la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté, au destin singulier.

Vous avez grandi au Daghestan dans le Caucase, pouvez-vous raconter votre parcours de vie ? 

Ma famille est d’origine tchétchène mais nous habitions le Daghestan dans le Caucase, c’est comme si j’étais Franc-comtois et que j’habitais Dijon… On est venu en France en 2001. Mes parents ont quitté leur famille, leurs amis, leur terre pour offrir un avenir à leurs enfants. Mon frère est venu le premier et moi je suis arrivé après, avec mon père, caché avec les bagages dans un bus. J’avais quatre ans. On est passé par la Russie, la Biélorussie, l’Allemagne et on est parvenu à Strasbourg. Mon oncle, arrivé en France plus tôt au moment de la guerre en Tchétchénie, nous a accueillis chez lui, à Salon-de-Provence, trois mois dans son HLM. On est ensuite allé à Perpignan où on a été soutenu par des associations qui venaient en aide aux réfugiés. On changeait tous les jours d’hôtel, on mangeait chez des gens qui voulaient bien nous accueillir… On a ensuite habité dans un hôpital désaffecté avec d’autres familles étrangères, des Ukrainiens, des Africains… Il y avait ce monsieur Philippe, que je n’oublierai jamais, qui gérait le lieu. On m’avait donné une peluche qui chantait l’alphabet français, c’est comme ça que je l’ai appris. On est allé ensuite dans un petit village dans les Pyrénées orientales. On vivait à cinq dans une pièce, il y avait des Turcs, des Albanais, des réfugiés de l’ex-Yougoslavie… ça faisait comme une communauté. Il y avait aussi Jacqueline, cette dame que j’ai revue 15 ans après, qui s’occupait du centre. Elle nous a beaucoup aidés. En 2003, on a rejoint mon oncle à Besançon où il avait trouvé un emploi chez Alstom… Là, on vivait dans un centre avec d’autres familles de réfugiés et aussi… des toxicomanes. Puis un an après, on a obtenu un HLM. Tout le monde avait sa chambre, c’était comme un château… Inimaginable ! Mon père ne voulait pas vivre des aides, il a trouvé du travail comme manutentionnaire chez SNTB où il est depuis 2003 et ma mère travaille en cuisine à l’hôpital de Besançon.  

Comment en êtes-vous venu à la lutte dans ce parcours ?  

La lutte dans le Caucase, notamment chez les Tchétchènes et au Daghestan, est le sport national. Donc, à Besançon, mon père a cherché un club de lutte. C’est comme ça que nous sommes arrivés au Club pugilistique bisontin… L’aventure a commencé là-bas et je suis resté fidèle à ce club. J’ai eu depuis beaucoup de propositions très rémunératrices mais j’ai préféré rester fidèle à ce club qui m’a tout donné, qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. C’est mon coach qui m’a porté jusque-là, le club nous a aussi aidés financièrement, m’a permis de faire un sport études… La reconnaissance est plus importante que l’argent.  

Dans le Caucase, on pratique la lutte libre…. 

En effet, il y a deux sortes de lutte, la lutte libre où l’on peut attaquer toutes les parties du corps et la lutte gréco-romaine. Or, le Club pugilistique bisontin est un club spécialisé dans la seconde où tout se passe au-dessus de la ceinture. Mais je suis tombé sur un coach très intelligent et pédagogue. Car mon père ne voulait pas entendre parle de gréco, il voulait que l’on fasse de la lutte libre. Donc Stéphane Lamy, mon premier coach, était spécialiste de gréco mais il a regardé beaucoup de vidéos de lutte libre, il a travaillé et nous a enseigné la lutte libre. Et ça a très bien fonctionné puisque dès la première année, j’ai été champion de France minimes en gréco, puis champion de France cadets en lutte libre avant d’intégrer l’équipe de France que je n’ai jamais quittée depuis.  

Qu’est-ce que cela représentait pour vous d’être en équipe de France ? 

Tout. D’abord c’était une forme de reconnaissance pour mes parents, une façon de leur dire vous n’avez pas tout sacrifié pour venir en France pour rien. Si on était devenu délinquant, cela aurait été horrible pour eux. Avec mes frères, on voulait vraiment que leurs sacrifices soient récompensés. Ce qu’ils ont fait n’est pas vain… Et ensuite, il y a la volonté de rendre ce que ce pays m’a donné. Or, il m’a tout donné. J’ai toujours quelque chose de tricolore sur moi. 

Vous semblez toujours stupéfait de ce qui vous est arrivé, malgré toutes ces années… 

Le simple fait d’être à l’Insep, c’est pour moi un « truc de malade… » Des gens me disent que c’est normal, que je ne l’ai pas volé. Mais c’est une vie incroyable, je suis nourri trois fois par jour pour faire du sport. Parfois, j’ai honte quand je vois des étudiants qui ne mangent qu’une fois par jour… Moi je voyage, grâce au sport, je suis allé au Japon, à Cuba, moi qui ai traversé des frontières sous une banquette de bus… Chaque chose de cette vie a pour moi une énorme valeur, ce n’est pas une chose naturelle.  

Dans la perspective des Jeux Olympiques de Paris 2024, vous vous êtes lancé dans un pari sportif insensé, descendre de deux catégories de poids… 

L’été dernier, je sortais d’une opération des ligaments croisés. Je me trouvais à l’Insep, d’habitude on est 800 athlètes mais là, c’était les vacances on était qu’une dizaine ; il n’y avait aucun lutteur. Je déprimais. J’ai perdu du poids. C’est là que j’ai eu cette idée de lutter pour les Jeux dans la catégorie des moins de 57 kilos qui est en France moins relevée que les moins de 66 kilos qui était ma catégorie dont j’étais le numéro un. J’aime bien les challenges et là, c’en était un de taille, perdre 13 kilos et rester compétitif. Le kiné et le chirurgien me disaient que j’étais fou. Mais finalement j’y suis parvenu.  

Comment avez-vous fait  ?

Jusqu’ici je ne voulais pas entendre parler de diététique. Cette fois-ci, j’avais conscience qu’il fallait me faire suivre par un professionnel, je ne suis pas borné, je n’ai pas honte de demander de l’aide, mais je ne voulais pas d’un discours scientifique, j’ai dit au diététicien : « Parlez-moi comme à un enfant et expliquez-moi pourquoi je dois manger telle chose à telle heure et quels sont les effets négatifs de tel autre produit que j’aime bien. » Je voulais comprendre et me comprendre… Je peux changer mes habitudes si je comprends… Et ça a bien marché. En mangeant juste sainement, j’ai déjà perdu quatre kilos. Ensuite je suis passé à deux repas par jour, avec un jeûne intermittent.  

Et aujourd’hui ? 

Mon poids de corps qui était de 69 kilos se situe maintenant à 62 kilos. Et quand je sors de l’entraînement je suis à 60. Ensuite perdre trois kilos pour la compétition, ce n’est rien, ça se perd vite… Sinon, j’ai perdu un peu en force… Avant je réalisais 100 kilos en développé couché, là je galère à 70 kilos. Mais pas en lutte je n’ai pas perdu en puissance, j’arrive à lutter avec mes potes de 66 kilos. 

Qu’est-ce que vous aimez dans la lutte ? 

Il faut être souple comme un gymnaste, fort comme un haltérophile, rapide comme un sprinteur et tacticien comme un joueur d’échec. C’est le seul sport de combat que tout le monde peut faire sans avoir vraiment appris. Des enfants naturellement entre eux quand ils se chamaillent, ils luttent. 

Que représentent les Jeux Olympiques de Paris 2024 dans votre carrière ? 

La vie ne s’arrêtera pas en 2024. Mais pour moi ce serait un honneur de rendre à ce pays ce qu’il m’a donné.  

Quel est votre champion culte ? 

Quand j’ai grandi, c’était des champions de lutte tchétchènes, mais aujourd’hui, j’aime bien voir la vision du sport des grands champions comme Zidane ou Cristiano Ronaldo.  

La chose à laquelle vous pensez quand vous êtes dans le doute ? 

Mes parents, c’est mon moteur. Je vais serrer les dents, je ne vais pas abandonner pour eux, pour ce qu’ils ont fait pour leurs enfants. Je me croyais un guerrier parce que je me lève à 6h… mais les vraies personnes courageuses ce sont des gens qui travaillent comme mon père ou ma mère qui se lèvent à l’aube… J’ai parfois le syndrome de l’imposteur. 

Votre point fort ? 

Discipline et mental d’acier.  

Si vous deviez retenir une valeur qui vous est chère dans le sport ?  

Le respect. Des coachs, de l’adversaire, des partenaires, de soi-même, des arbitres, des règles, de sa discipline personnelle.  

Avez-vous une autre passion ? 

Je me suis découvert une passion pour les montres. Je commence à avoir une petite collection. 

Et que représente le soutien de la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté, votre partenaire ?

Quand la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté m’a contacté, je n’y croyais pas. Ils sont toujours présents avec moi… On me dit : « C’est un mécène, c’est normal », mais non, ce n’est pas normal : j’ai des amis qui se lèvent à 6h se couchent à 22h et travaillent pour des gens qu’ils n’aiment pas. Moi, on me donne de l’argent pour vivre ma passion. Au début, je pensais qu’on allait me donner de l’argent un point c’est tout. Mais c’est beaucoup plus que ça. Déjà le soutien financier me donne une sérénité à l’entraînement. Je n’ai pas à penser, comme certains amis, comment je vais payer mon billet de train pour rentrer chez moi, pour payer mon téléphone, pas besoin, comme d’autres, d’aller travailler après l’entraînement. C’est un repos mental. Et puis la Caisse d’Epagne de Bourgogne Franche-Comté ce n’est pas juste une entreprise. J’ai découvert Michel, Pierre. On échange, ce n’est plus des partenaires, ce sont des amis, c’est la famille… Je vois que les gens sont vrais avec moi. Et puis ils m’ont aidé à pérenniser mes comptes. Ils m’ont donné une tranquillité d’esprit qui est vraiment un luxe. 

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