Nous avons trouvé contenus pour ""
Désolé, nous n'avons pas trouvé de résultat. Veuillez poser une autre question.
Cette recherche n'a pas pu être traitée en raison d'un trop grand nombre de tentatives en peu de temps. Veuillez réessayer plus tard.
sur
Vendredi 11 octobre 2024
Aziza Benhami, championne de para tir à l’arc soutenue et employée par BPCE Infogérance & Technologies (BPCE-IT), a participé aux Jeux Paralympiques Paris 2024. Elle raconte son parcours de vie qui l’a menée à cet évènement exceptionnel alors que les médecins lui avaient assuré qu’elle ne ferait jamais de sport.
Comment en êtes-vous venue au sport et plus particulièrement au tir à l’arc ?
Je n’ai jamais fait de sport… Depuis l’enfance, on m’a toujours dit que je ne pourrais jamais en faire. À l’école, en début d’année, j’avais toujours mon certificat de dispense délivré par mon médecin. Il m’expliquait qu’avec mon handicap, c’était impossible. Je souffre de séquelles de poliomyélite depuis l’âge d’un an. Les quatre membres sont touchés et plus particulièrement les membres inférieurs. Je marche difficilement, j’ai une grande fatigabilité et je chute régulièrement…
Comment la situation s’est-elle inversée ?
À 35 ans, j’ai eu une envie de me mettre au sport. Je me souvenais qu’avant mon l’entrée au CP, j’avais participé à quelques séances dans un centre de rééducation fonctionnelle où on m’avait appris à tirer à l’arc. Par chance, dans ma ville, à Cugnaux, près de Toulouse, il y avait un club de tir à l’arc. J’ai appelé et expliqué au président que j’étais en situation de handicap. Il n’y avait aucun licencié handicapé dans le club mais le président m’a fait la meilleure des réponses qui soit, il m’a dit : « Venez et on verra ».
Cette réponse a changé votre vie…
Oui… Je me suis rendue au club et j’ai été prise en charge par un entraîneur, Olivier Vassal qui, bien qu’il n’ait jamais coaché d’athlète handicapé(e), a su s’adapter ; il a adhéré au projet, cherché à comprendre et on a évolué ensemble. Ce club a pris le temps de se renseigner sur la réglementation, sur l’affiliation à la FFH (Fédération Française Handisport). Et on a travaillé ensemble. Quand on veut, on peut… Même chose avec l’entraîneur, on a testé et cheminé ensemble.
Et vous êtes arrivée naturellement à la compétition…
J’ai pris ma première licence en 2012 et rapporté de mes premiers championnats en 2015 le titre de vice-championne de France. Au départ, je voulais juste prendre du plaisir… et à ma première compétition, j’ai réalisé 39 points, sur 600 possibles. Je n’avais jamais été aussi heureuse. C’était une compétition valide, car on dispute toutes les compétitions avec les valides, dans les mêmes conditions, avec les mêmes distances. Cette première compétition, ce fut ma petite revanche sur toutes les fois où l’on m’avait dit que je ne pourrais pas faire de sport.
Quels effets la pratique du sport a-t-elle eu sur votre santé et sur votre vie ?
Il y a d’abord eu un effet thérapeutique. J’avais des douleurs au dos et au bout de six mois de pratique du tir à l’arc, elles ont disparu. J’ai pris un peu de musculature, ce qui a été très bénéfique et puis je me suis découvert un esprit de compétition. J’ai vite accroché. C’était très gratifiant de monter sur des podiums et de disputer des compétitions au milieu des valides. Je faisais partie d’un club à part entière, sans distinction et, en cela, le handicap n’existait pas.
Et comment avez-vous évolué vers le haut niveau ?
J’ai eu assez vite des ambitions paralympiques, notamment quand Paris a été désignée pour accueillir les Jeux Paralympiques de 2024. Cela impliquait que j’évolue au sein de structures plus importantes et j’ai intégré le Balma Arc Club (Haute-Garonne), proche de mon lieu de travail, à raison de 2 à 3 fois par semaine au début.
J’ai remporté plusieurs titres de championne de France (six titres et quatre médailles d’argent). Puis je me suis entraînée tous les jours sauf le dimanche j’ai intégré l’équipe de France en 2022. En 2023, j’ai obtenu le quota pour une participation paralympique et au printemps 2024, j’ai reçu ma sélection officielle pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024. C’était complètement fou parce qu’au départ, quand je disais que je voulais faire les Jeux, cela n’avait pas grand sens… et c’est arrivé ! Exactement comme lorsqu’on formule un rêve enfant et qu’un jour, ce rêve se réalise.
Quand on repense à ce que vous disaient les médecins…
J’espère que les médecins n’ont plus le même discours aujourd’hui. Je pense que par rapport au sport pour les handicapés, des barrières médicales ont dû sauter. En ce qui me concerne, ma santé a continué de s’améliorer par le sport, j’ai repoussé mon niveau de fatigabilité et renforcé ma capacité musculaire…
Comment s’est passée la préparation des Jeux par rapport à votre travail ?
Mon obtention du statut de sportive de haut niveau 2024 a considérablement facilité les choses. Ce statut m’a permis d’obtenir un détachement pour les stages et les compétitions internationales ainsi qu’un aménagement de mon emploi du temps au sein de mon service avec mon responsable. J’ai ainsi pu dégager jusqu’à trois après-midis par semaine pour m’entraîner. Cela a été déterminant.
Parlez-nous de votre découverte du site olympique de tir à l’arc aux Invalides, l’un des plus beaux sites de Paris 2024…
C’était LE plus beau site des Jeux… En 2022, Sébastien Flute – champion olympique en 1992-, nous avait présenté le projet. C’était fantastique mais ce n’était qu’un projet. J’ai eu la chance d’assister aux épreuves de tir à l’arc lors des Jeux Olympiques. Là, on passait du projet à la réalité et c’était hyper émouvant. La configuration avec le Dôme des Invalides dans le dos, c’était grandiose.
Et alors, le jour de la compétition ?
On arrive dans ce qu’on appelle une arène et c’était vraiment le cas ! D’habitude, dans nos compétitions, il n’y a personne ou presque, là, c’était rempli de personnes qui scandaient mon prénom… J’ai pris une ou deux minutes pour m’imprégner de tout ça, j’ai cherché ma famille dans le public, et puis je suis rentrée dans ma bulle pour disputer mon 16e de finale. J’ai tiré à mon niveau mais mon adversaire iranienne était plus forte. Cela reste une très belle expérience…
Avez-vous assisté aux différentes cérémonies ?
Je n’ai pas participé à la cérémonie d’ouverture car je tirais le lendemain. En revanche, j’ai pris part à la cérémonie de clôture qui était magique. Je l’ai plus appréciée encore, c’était une manière de tourner une page, de se dire « On l’a fait… on peut profiter ».
Un mois après la fin des Jeux paralympiques, qu’est-ce qui vous reste de ce moment ?
Que des bons souvenirs, la ferveur des supporters… Lors de la compétition mixte, il pleuvait des cordes mais les gens étaient restés… Je n’en reviens toujours pas d’avoir participé aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 !
Comment en expliquez-vous le succès ?
Un certain nombre de personnes qui avaient quitté Paris et regretté d’avoir manqué les Jeux Olympiques sont venues assister aux Jeux Paralympiques. Ensuite, la couverture médiatique a été importante et le prix des places a joué. Et puis, il y a eu beaucoup de scolaires qui ont mis l’ambiance ; je me faisais même arrêter par des lycéens qui me disaient « C’était trop bien ! ». Si on arrive à impacter cette génération-là sur le handicap, c’est vraiment positif !
Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 avaient pour ambition de faire évoluer le regard porté sur le handicap. L’avez-vous déjà constaté dans votre quotidien, autour de vous ?
Je pense que c’est encore trop tôt. J’espère et j’y crois mais il faut attendre…Même pas un mois après les Jeux Paralympiques, aucun ministre dédié aux personnes en situation de handicap ne figurait au gouvernement, heureusement, ça a fini par arriver… J’espère surtout qu’à terme, cela ouvrira des portes notamment pour les personnes avec des handicaps lourds.
Vous êtes soutenue individuellement par BPCE Infogérance & Technologies (BPCE-IT), entreprise dont vous êtes salariée. Comment avez-vous vécu le soutien de vos collègues ?
J’ai repris début octobre car j’avais pris des vacances après Paris 2024. J’ai ouvert mes mails en arrivant, c’était la folie le soutien des collègues…
En tant que Partenaire Premium, le Groupe BPCE était très impliqué dans Paris 2024. Quels sentiments cela vous a-t-il inspirés ?
C’est une fierté d’être sponsorisée par BPCE-IT, et j’étais fière aussi de dire que je travaille pour un groupe partenaire premium. Et puis j’ai été mise en avant par le Groupe BPCE, beaucoup de collaborateurs et de collaboratrices que je ne connaissais pas sont venus me voir pour m’encourager… C’était magique. On a ensuite été célébrer au Petit Palais qui avait été privatisé, et, après la cérémonie de clôture, toute la délégation française a été accueillie au Club France dans une ambiance inoubliable. C’était magnifique !
Concrètement comment l’aide de BPCE-IT vous a-t-elle servi ?
Par exemple, pour disputer des grandes compétitions il faut disposer de deux arcs, car en cas de problème technique, le temps de la réparation, il vous faut un 2e arc. Or moi, je n’en n’avais qu’un car ça coûte cher. Grâce à l’aide de BPCE Infogérance & Technologies, j’ai pu acheter ce 2e arc pour disputer les Jeux Paralympiques. Autre exemple, lorsque je me déplace en train pour aller en stage ou en compétition, ces longs trajets s’avèrent extrêmement fatigants pour moi. Cette aide m’a permis d’assurer certains trajets en avion et de ne pas arriver trop fatiguée en stage ou en compétition. Et surtout, j’ai bénéficié d’aménagements de mon temps de travail à BPCE-IT pour m’entraîner.
Comment l’accès au sport pour une personne en situation de handicap doit-il évoluer après cet été 2024 ?
Les dirigeants de clubs ne devraient pas avoir peur des personnes en situation de handicap…Il faut former les entraîneurs, comme ça a été le cas de mon entraîneur à Balma qui n’avait jamais entraîné une personne en situation de handicap auparavant. La Fédération Française de tir à l’arc a mis en place des formations… Il est essentiel que les dirigeants, les entraîneurs s’ouvrent à ce monde-là.
Est-ce que la médiatisation de certains champions paralympiques est importante pour ce mouvement ?
Plus on en parlera mieux ce sera, on parviendra à toucher des gens qui se disaient : « Je ne peux pas faire de sport ». Or le sport est un facteur d’intégration…. Quel que soit le handicap vous pouvez faire du sport…
Que vous ont apporté ces Jeux Paralympiques sur le plan personnel ?
Cela m’a confortée dans l’idée que lorsqu’on veut vraiment quelque chose, on peut l’obtenir. J’en suis la preuve. Je ne dis pas que c’est facile mais avec des efforts et de l’envie, on peut accomplir ses rêves. À 18 ans, je n’ai pas pu passer mon permis car il fallait aller dans une école spécialisée, disposer d’une voiture adaptée qui coûte chère. C’est ça le handicap ! Mais je ne me suis pas arrêtée à ça. Faire les courses, c’est difficile, faire des études, c’était difficile. Le collège était à plus un kilomètre de chez moi, c’était compliqué de s’y rendre. Pareil pour le lycée, puis la faculté à 25 km, le bus, le métro… et encore, je n’ai pas de handicap trop lourd, je ne suis pas en fauteuil, mais ça a été un combat. J’étais fatiguée le matin car je n’avais pas dormi à cause des douleurs aux jambes. En plus des fatigues physiques, il y a aussi les fatigues psychologiques pour toutes les démarches administratives qu’il faut entreprendre…
Vous avez disputé une épreuve mixte, il y a de plus en plus d’épreuves de ce type au programme olympique et paralympique, pensez-vous que ce soit une bonne chose ?
Paris 2024 sont les premiers Jeux à avoir atteint une parité et ça c’est très important. Les femmes ont toute leur place dans le monde du sport. C’est comme cela que l’on propose aux jeunes filles des images auxquelles s’identifier.
Comment se présentent les prochains mois sportivement pour vous ? Quoi qu’il arrive, le sport continuera-t-il à faire partie de votre vie ?
Je n’arrêterai pas le sport, il est rentré dans ma vie et il n’en sortira pas… Le tir à l’arc, c’est mon sport ! Je ne peux ni courir ni sauter. J’ai déjà repris l’entraînement, ça me manquait… même si mon corps m’a dit « pause »… C’est addictif et puis ça m’a aidée dans mon travail car le tir à l’arc demande de la concentration. C’est très technique, très rigoureux, il ne faut pas être impulsif, ne pas foncer tête baissée… Autant de qualités importantes dans le travail…
Et maintenant… Los Angeles dans quatre ans ?
Ça dépendra de comment mon corps va réagir. Il a été mis à rude épreuve pendant deux ans. Il faut que je prenne le temps de récupérer. Ma jambe d’appui commence à me faire mal, je l’ai sur-sollicitée. Mais bon, c’était tellement magique. Alors on réfléchira à Los Angeles.