Charline Picon, 39 ans, double médaillée olympique et soutenue par la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, sera l’une des grandes championnes françaises de voile en lice aux Jeux Olympiques de Paris 2024.

Un parcours incroyable… D’abord parce qu’après une première participation olympique à Londres (8e), elle a remporté la médaille d’or à Rio en 2016 puis la médaille d’argent à Tokyo en 2021 en planche à voile (RSX). Ensuite parce qu’elle a réussi l’exploit de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 dans une autre discipline, le 49erFX (un dériveur en double, très… acrobatique). À la découverte de cette sportive atypique qui a relevé un défi que très peu de champions ont osé mener.

Comment le sport a-t-il transformé votre vie ?

J’ai débuté la voile à onze ans à la Tremblade (Charente-Maritime) et je suis tombée amoureuse de ce sport. Et puis, au fur et à mesure, j’ai disputé des compétitions, cela a pris de plus en plus de place… Jamais à l’époque je n’aurais imaginé que ça prendrait cette place, que cela deviendrait mon métier. J’envisageais plus une carrière dans le domaine médical. Après le bac, j’ai eu l’opportunité de faire des études de médecine ce qui signifiait abandonner la planche à voile. Je me suis finalement orientée en kinésithérapie qui proposait un parcours d’études adaptées, pour autant pas du tout un choix par défaut. Cela me permettait de poursuivre ma carrière sportive. J’ai ainsi obtenu mon diplôme de kinésithérapeute en six ans au lieu de trois. Et avant Tokyo, j’ai créé mon cabinet de kiné avec mon conjoint, un cabinet orienté sur la kiné du sport.

Comment s’est passée cette transition vers le haut niveau ?

En catégories jeunes, cela a très bien marché, j’ai eu des résultats aux Championnats du monde même si quand j’ai passé mon Bac, mon avenir n’était pas hyper clair. Et puis il y a eu cette modification de règlement en 2005 où la planche Mistral a été remplacée dans le programme olympique par la RSX. Ça a remis un peu les pendules à zéro dans la mesure où les plus anciens avaient moins l’avantage d’un point de vue technique. Et en 2006, je suis rentrée dans le TOP 8 mondial ; j’ai passé un cap. J’aurais même pu me qualifier pour Pékin en 2008, où j’ai finalement été en tant que remplaçante…

Vous êtes championne olympique à Rio en 2016, vice-championne olympique à Tokyo en 2020 et puis pour cette olympiade, votre série étant remplacée par une autre, vous vous lancez un pari fou : se qualifier pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 en 49erFX… C’est à dire passer de la planche à voile au dériveur. Et du statut de maîtresse mondiale d’une discipline à « débutante » complète. C’est très rare d’accepter ce déclassement !

Oui, vous pouvez le dire comme ça, j’ai appris à faire du bateau. Je ne connaissais même pas le nom des « bouts »(1)… J’ai donc dû lâcher prise sur certaines choses comme la tactique par exemple, alors que j’étais plutôt forte dans ce domaine. Mais rien que pour absorber les termes techniques, je n’avais plus de cerveau disponible pour envisager la tactique. C’était une vraie sortie de ma zone de confort. Il s’agissait de totalement repartir à zéro. Sur beaucoup d’aspects, ce n’était vraiment pas facile. Cela a clairement été l’olympiade la plus compliquée pour moi. Mais c’est une aventure qui permet de grandir en tant que personne… (1) Prononcer « boute » ; correspond à tous les cordages présents sur un bateau.

Rien que sur le registre de l’estime de soi, cela dû être sacrément dur à vivre. Vous étiez tout en haut de l’affiche et vous acceptez de devenir « débutante » et de tout reprendre. Peu de champions sont capables de ça…

J’étais apaisée par mes résultats et j’ai replongé dans une discipline inconnue. C’est sûr que revenir à la base, pour l’estime de soi, ce n’est pas facile. Mais je suis fière de m’être accrochée et d’être allée au bout. Avec Sarah Steyaert, on est là où l’on voulait être. Aux Jeux Olympiques de Paris 2024 comme outsiders.

Oui mais d’habitude, vous étiez la favorite…

J’aimais bien être favorite mais c’est sûr qu’outsider c’est un statut plus facile à porter. Le plus gros défi, c’était de passer d’un sport individuel à un sport collectif avec tout l’aspect humain que cela comporte. La communication à bord est un sacré challenge, mais c’est une expérience très enrichissante car la communication est partout. Souvent les problèmes, les incompréhensions dans tout milieu viennent d’un défaut de communication. On en parle avec mon conjoint au cabinet de kiné par exemple… Il faut se dire les choses. Sur un bateau c’est un sujet majeur. On a tous notre ego, ce besoin d’avoir raison, c’est usant… Or pour être efficace, il faut le mettre de côté parfois… Par exemple, ce n’est pas facile de partager une intuition, il ne faut pas mettre l’autre dans le doute…

Justement, parlez-nous de votre barreuse, la « Mama team », avec Sarah Steyaert (37 ans), 6e à Rio en 2016 en 49erFX…

Associer deux grands noms de la voile, ça paraissait être la bonne option. Et en plus, il est vrai que nous sommes toutes les deux mamans. Sarah savait que j’avais un vécu olympique en tant que mère, on a donc les mêmes problématiques, on ne peut par exemple pas effectuer de longs déplacements. On saisit nos problématiques communes. Si l’une est dans le dur à la maison, l’autre comprend de quoi il s’agit.

Votre souvenir sportif marquant ?

La médaille d’or de Faustine Merret en 2004, j’étais monitrice de voile à la Tremblade, j’attendais avec impatience. Puis celle de Julien Bontemps à Pékin. Je suis passionnée des Jeux Olympiques depuis les premiers que j’ai suivis en 1996.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre discipline et pourquoi est-elle singulière ?

Il y a ce sentiment de liberté sur l’eau et puis la sensation de glisse. Ensuite c’est un sport de pleine nature. Dans ma discipline d’origine, la planche, il y a une dimension physique et technique, avec cette glisse, qui était un de mes points forts. Alors que l’on se trouve dans cet effort physique, on doit en même temps procéder à une analyse complète de la situation. Il faut prendre en compte chaque nuage, chaque clapot, chaque risée. Et puis définir aussi la meilleure option en fonction des adversaires. C’est pour cela que c’est un sport à maturité, pour cette nécessité d’analyse mais pas seulement. Car on peut faire une analyse parfaite comme un ordinateur mais l’expérience reste prépondérante pour savoir quand il faut virer et à quel endroit. Car on ne dispose jamais du même scénario dans ce sport, on n’a jamais la même mer, la même météo, le même vent avec les mêmes adversaires.

Quelle est la chose à laquelle vous pensez quand vous êtes dans le doute ?

Je pense à l’objectif final… Lors des moments où j’avais envie d’arrêter, je m’imaginais au bout de cette aventure avec une médaille… Si j’arrêtais, je ne saurais jamais si cela pouvait se produire. Alors je continuais… pour savoir.

Quel est votre point fort ?

J’ai un profil intuitif, un ressenti fort sur l’eau. En planche, j’avais un bon sens de la glisse…. et avec le temps aussi, le sens de l’adaptation. Le Covid m’a fait évoluer. Avant, je gérais tout à l’avance. Avec le Covid, il a fallu tellement improviser, s’adapter, changer de plan que, désormais, lorsqu’il y a des impondérables, je suis plus tranquille, pas de stress.

Quelle est une journée type pour vous ?

Lorsque je ne suis pas en stage, j’emmène ma fille Lou à l’école en CP puis je vais à la muscu. Ensuite, je fais une pause déjeuner, la sieste, puis j’effectue un travail administratif… En voile, on n’est pas assisté pour monter un projet. On a une casquette maman, une casquette de sportive, une casquette gestion d’entreprise, une casquette logisticienne… Ensuite, je vais m’entraîner au pôle France, à La Rochelle. Et enfin, je vais chercher ma fille à l’école.

Vous allez partir faire un tour du monde en famille après les Jeux Olympiques ?

Oui, c’est un gros projet que l’on a monté l’an passé. On vient d’acheter un catamaran. C’est dans la perspective de passer du temps ensemble. J’ai passé sept ans à mi-temps avec ma fille. Lou a besoin de sa maman… et mon conjoint aussi. C’est un projet qui a aussi un lien avec l’environnement qui fera aussi l’objet d’un film.

Que représentent les Jeux Olympiques de Paris 2024 dans votre carrière et comment vous y préparez-vous ?

Très peu d’athlètes ont la chance de vivre les Jeux dans leur pays… Aussi je vais me concentrer à vivre l’instant…

Si vous deviez retenir une valeur qui vous est chère dans le sport ?

L’humilité. D’abord parce que l’on affronte les éléments naturels. Et ensuite, parce que ce n’est pas parce que l’on gagne des titres, des médailles, que l’on doit prendre la grosse tête et perdre de vue qui ont est. C’est mon fil conducteur, rester moi-même.

En quoi le soutien de votre partenaire Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique est-il important dans votre vie de sportive de haut niveau ?

C’est primordial, car même si la Fédération nous aide, nos projets coûtent chers. Un bateau, c’est 35 000 euros… il faut avoir des partenaires pour préparer ces projets dans les meilleures conditions…

Charline Picon est également soutenue par le Groupe BPCE. Elle est athlète ambassadeur du collectif de près de 250 athlètes et para athlètes soutenus par les entreprises du Groupe BPCE.

Pour connaître les athlètes, les para athlètes et les équipes soutenus par les entreprises du Groupe BPCE qui seront présents à Paris 2024 :