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Jeudi 20 juillet 2023
Timothée Adolphe a été l’un des trois médaillés français aux Championnats du monde de para athlétisme organisés au stade Charléty du 8 au 17 juillet. Cet athlète aux multiples talents est l’une des figures emblématiques de l’Equipe de France.
Le sprinter tricolore a remporté la médaille de bronze sur 100m et sur 400m en catégorie T11. Eu égard à sa préparation tronquée en raison de blessures, ce résultat augure le meilleur pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024.
Comment appréciez-vous vos deux médailles de bronze qui sont en dessous de vos objectifs mais qui, au final, constituent la moitié des médailles de l’Equipe de France…
À chaud, j’étais déçu du métal. Sur 400m, je défendais un titre de champion du monde et sur 100m un titre de vice-champion paralympique à Tokyo. Maintenant, il s’agissait de deux finales d’un niveau très élevé et je finis tout proche de la médaille d’argent à un centième de seconde. Donc je ne suis pas inquiet pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024 l’année prochaine. En effet, je sors d’une saison blanche avec en plus un nouvel entraineur et un nouveau guide. J’ai été touché deux fois aux ischios en avril et juin si bien que j’ai dû faire moins de séances spécifiques que prévu. Et sur 400m, il faut des repères pour construire sa course. Or, en raison des blessures, je suis arrivé aux championnats du monde à Charléty en n’ayant pas assez couru de compétitions. Ce qui explique qu’il me manque des petites choses… Donc pas d’inquiétude pour Paris 2024, juste un peu de frustration…
Comment expliquez-vous que l’Equipe de France n’a pas eu les résultats attendus ?
Le mouvement paralympique explose dans le monde entier. Il y a une professionnalisation en marche. L’Equipe de France est très jeune et très soudée. C’est un gros point positif… Après, on manque de fers de lance. Certains athlètes prennent de l’âge. Il y a une grosse évolution en termes de performance, il faut que l’on suive… On doit s’entraîner plus avec plus de rigueur… C’est une bonne leçon. Il ne manque pas grand-chose.
Vous avez changé de guide, c’est-à-dire l’athlète qui est à vos côtés pour vous guider sur 100m puisque que vous êtes non-voyant. Quels sont les critères pour choisir un guide et quelles sont vos relations ?
Le premier critère, c’est la marge chronométrique entre nous. Le guide doit être plus rapide que l’athlète afin d’être à l’aise dans son guidage. Pour mes disciplines, il faut qu’il accomplisse le 100m entre 3 et 5 dixièmes de plus que moi et sur 400m, 2’’5. Ensuite, il doit savoir s’adapter sa foulée quand celle de son athlète se modifie sous l’effet de l’acide lactique ; il doit faire preuve de lucidité durant la course pour réagir… Ensuite, il faut une taille similaire entre nous deux et notamment avoir les bras à la même hauteur pour simplifier la synchronisation. Le style de foulée doit aussi se ressembler. Enfin humainement, il faut que ça matche… Ça commence sur la piste et comme on passe beaucoup de temps ensemble, cela doit fonctionner humainement en dehors… Parce qu’on dit des choses à son guide que l’on ne dit pas à un ami. Le guide doit connaître l’état de forme de son athlète et son état psychologique. Il est donc fondamental de se dire les choses.
Comment êtes-vous venu à l’athlétisme ?
J’ai commencé à 10 ans l’athlétisme à Guyancourt (78). Ensuite, j’ai cherché un club dans la ville où je faisais mes études qui acceptait les déficients visuels. Je suis né malvoyant et j’ai totalement perdu la vue à 19 ans. L’entraîneur m’a répondu qu’il n’avait pas de temps à perdre avec un aveugle. J’avais 15 ans, ça été dur à encaisser. Je me suis donc tourné vers le torball, une discipline adaptée aux déficients visuels, puis j’ai repris l’athlétisme au Paris Université Club.
Comment se déroule votre semaine ?
Je m’entraîne à l’Insep depuis 2014, six jours par semaine, entre 2 à 6 heures par jour… Sinon, je suis en contrat d’insertion professionnelle chez Keneo dans le domaine de la formation dans la communication, plus particulièrement sur l’écoute.
Quel est votre champion culte ?
Usain Bolt… Je trouve qu’il a changé la mentalité du sprint… Avant, on voyait des sprinters américains qui faisaient les caïds dans les starting-blocks. Bolt a amené un état d’esprit plus sport, plus fun… Et puis, il représentait aussi un autre profil de coureur, grand, longiligne. Et il n’a jamais été rattrapé pour dopage…
Qu’est-ce qui vous plait dans votre discipline et pourquoi est-elle singulière ?
La sensation de vitesse incroyable, de liberté. Et puis j’aime l’aspect technique du 100m. Sur 400, j’aime qu’on y repousse ses limites, c’est un combat contre soi-même, un sprint de haute intensité mais avec un aspect tactique.
La chose à laquelle vous pensez quand vous êtes dans le doute ?
Je visualise des choses positives. Mais douter, ce n’est pas si mal, ça empêche de se reposer et invite à retourner au travail…
Votre point fort ?
Le mental, le côté travailleur. Techniquement, la fluidité dans ma façon de courir et puis ma volonté de comprendre le geste technique et à l’assimiler…
Comment vous imaginez-vous dans vingt ans ?
J’aurai remisé mes pointes au placard, je ne vais pas m’accrocher… Faut savoir faire autre chose. J’ai plein d’autres projets, je fais de la musique, du stand up. J’ai créé une société qui édite un jeu vidéo grand public accessible à tous les types de handicap et que nous allons développer. Il vient de sortir. Enfin, j’ai l’intention de créer une version de basket accessible aux déficients visuels…
Qu’est-ce que représentent les Jeux Paralympiques de Paris 2024 dans votre carrière ?
C’est une des saisons les plus importantes de ma carrière, les Jeux Paralympiques de Paris 2024 devraient en être la consécration. À Tokyo, j’étais le favori du 400m mais j’ai été disqualifié… donc là à domicile…
Comment se prépare-t-on aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 ? Est-ce réellement un évènement particulier par rapport aux autres compétitions ?
Il ne faut pas changer sa préparation en termes d’intensité. J’ai maintenant beaucoup d’expérience, c’est le moment de l’utiliser…. Ce n’est pas parce que ce sont les Jeux Paralympiques de Paris qu’il faut en faire plus… Car on risque d’aller à la faute, de se blesser. Alors on a identifié les aspects où il s’avère nécessaire d’en faire plus… Ces Championnats du monde ont justement été fort d’enseignements pour ça.
Deux autres athlètes du Team Banque Populaire Val de France étaient présents aux Mondiaux, quelles sont vos relations avec eux ?
Badr Touzi, c’est la force tranquille. Il progresse, il a fait un quota olympique… Il finit 4e or il était 4e au bilan des mondiaux… Il vise au-delà des 14m et il a les moyens d’aller les chercher. Alice Métais, c’est moi qui l’ai emmenée à l’athlé quand elle avait 13, 14 ans…C’était lors d’un tournage pour une émission. En tant que sportif, je devais présenter ma discipline à deux jeunes parmi lesquels il y avait Alice. Je lui ai ainsi montré que l’athlétisme était accessible à sa déficience visuelle. Mais je ne voulais pas que ça s’arrête à une émission télé, je suis resté en contact avec elle et sa famille pour l’aider à trouver un club… Elle a commencé guidée et on l’a vu progresser. On a donc une relation assez forte, je suis un peu le grand frère… Je suis là quand elle a besoin de moi et en même temps je ne suis pas tout le temps sur son dos. Là, elle a atteint deux finales mondiales pour ses premiers championnats du monde et elle a battu ses records personnels, donc elle était au rendez-vous ce qui est très bien pour une jeune athlète.
Si vous deviez retenir une valeur qui vous est chère dans le sport ?
Performance, plaisir, partage… la devise est particulièrement juste. On cherche à performer en tant qu’athlète de haut niveau, mais l’important c’est de garder ce plaisir. Enfin le partage, la transmission, c’est ce qui fait vivre le sport…
Avez-vous une autre passion ?
Je fais du Hip Hop et je rappe depuis l’âge de 13 ans ; je viens de sortir un EP* et je vais en sortir un 2e en septembre. C’est un rap où le texte est extrêmement important et le message délivré doit être positif. J’ai un discours constructif… Maintenant, je dois faire évoluer ma musique, la moderniser tout en gardant mon identité.
Et puis, je fais du stand up. En effet, j’aime être dans la transmission. Or, le handicap reste tabou en France. Pour transmettre mes messages, l’humour m’a semblé être un vecteur pertinent et efficace. Et puis monter sur scène et faire rire les gens faut être un peu zinzin et je suis un peu zinzin… Ça reste beaucoup de travail notamment le déplacement sur scène et puis le travail d’écriture… J’ai joué pour l’instant à Toulouse fin mars et en juin au Marco Polo à Paris… Ça s’est très bien passé…
En quoi le soutien de votre partenaire, la Banque Populaire Val de France, est-il important dans votre vie de sportif de haut niveau ?
La Banque Populaire était le premier partenaire à me faire confiance, c’est symbolique et fort, cela fait dix ans de partenariat ! D’abord avec la Fondation Banque Populaire, puis avec la Banque Populaire Val de France. C’est une relation humaine et sur le long terme… Au-delà de l’aspect financier qui me permet de financer mes stages, de rémunérer mon équipe, il y a l’aspect humain sur la durée qui est très important. Ils sont présents même dans les moments difficiles. Nous, les athlètes, avons des haut et des bas et c’est très important d’avoir un partenaire qui soit là… tout le temps.
* Disque d’une durée plus longue que celle d’un single et plus courte que celle d’un album