Louise Cervera, 26 ans, soutenue par la Banque Populaire Méditerranée, est l’un des grands talents de la voile olympique française. Elle a disputé ses premiers Jeux Olympiques en 2024 à Marseille, où elle a montré tout son potentiel en ILCA6. Elle achève cette année ses études d’ingénieur avant d’entamer sa préparation en vue d’aller à Los Angeles en 2028.

Comment avez-vous débuté la voile ?

J’avais six ans… J’habitais au bord de la mer. J’ai fait un stage d’été d’optimist et j’ai adoré cette première navigation. Mon entraîneur nous a proposé de continuer les cours à la rentrée. J’ai accroché… ça se voit sur les photos d’alors, j’ai toujours le smile.

Vous pratiquez une discipline solitaire, pourquoi avez-vous choisi l’ILCA ? En quoi le préférez-vous aux bateaux en équipage ?

J’aimais bien la facilité de l’optimist… Ensuite, avec le laser, la préparation était minime et pratique : on met le bateau sur le toit de la voiture et on est vite sur l’eau. Il y avait donc l’aspect efficacité. Ensuite, j’avais l’esprit de compétition, je n’aimais vraiment pas perdre ; cela n’aurait pas été simple avec mon caractère de naviguer avec un équipier ou une équipière. Comme ça, j’ai gardé mes copines ! Ce serait plus aisé aujourd’hui.

Pour moi, la voile c’est une histoire d’amour ; j’aime être sur l’eau, appréhender les conditions de vagues, l’aspect physique, l’aventure de la voile me plaît. Ensuite, j’ai découvert la compétition, je pratiquais parallèlement le judo et le tennis. À 11 ans, j’ai arrêté la voile pendant un an, mais la mer me manquait. C’est en reprenant que j’ai commencé le laser, qu’on appelle maintenant ILCA. J’ai eu la chance de rencontrer un super entraîneur, Pierre Gueguen, qui m’a coachée de 13 ans à 22 ans. Il m’a appris à être autonome ainsi que tous les aspects de la performance… Il m’a surtout transmis le goût de la curiosité et appris à ne pas se contenter d’écouter l’entraîneur mais d’arriver à l’entraînement avec des objectifs. Il m’a aidée à grandir en tant qu’athlète et en tant que personne.

Vous êtes du club de Mandelieu, une préférence pour la Méditerranée ?

C’est là où je navigue le mieux, que ce soit à Hyères, Marseille, en Corse, en Sardaigne ou à Palma… C’est un endroit où je me sens heureuse, où je sens les choses. Or les sensations sont importantes dans notre sport ; j’ai un bon feeling avec le vent, je prends plus de plaisir en Méditerranée et donc, je vais davantage chercher mes limites…

Et de manière générale, quel est votre rapport à la mer ?

J’ai l’impression de faire corps avec la mer et le vent, de ressentir ce que la mer nous donne. J’essaye de rentrer dans son jeu, de saisir le timing des vagues et d’y répondre. J’ai l’impression que mon bateau me parle… C’est un échange, il ne faut pas lutter contre elle, des fois je l’envoie balader bien sûr mais quand on arrive à prendre le temps de l’écouter, de ne pas forcer, on est plus performant.

La voile est un sport mixte – mais pas complètement. Gamine, battiez-vous les garçons ? Était-ce un élément important ?

En élite, nous ne sommes plus avec les garçons mais en amont, jusqu’à 18 ans, on peut courir contre eux. Ça m’a permis d’aller plus loin. Ils sont plus lourds, plus grands. Donc, dans les conditions météo difficiles, je devais redoubler d’efforts et c’était une vraie fierté de les battre, ça nous pousse à sortir de notre zone de confort. À l’entraînement notamment, j’étais contre des garçons qui avaient plus de force physique, ça m’a aidée à aller chercher plus loin en moi…On doit réfléchir plus pour compenser ce déficit physique, trouver d’autres solutions. Et eux doivent répondre à ça. C’est un beau moment d’échange et de partage.

Vous êtes étudiante à l’INSA Lyon – comment se passe votre scolarité et comment l’adaptez-vous au sport de haut niveau ?

J’en suis déjà à huit années d’études à l’INSA. Ça devrait se terminer l’année prochaine… De manière générale, plus j’étais éloignée de l’échéance olympique, plus j’avais de cours et ça allait en diminuant à mesure que je m’en approchais. L’école est incroyable pour l’aménagement du temps. J’ai fonctionné avec des tuteurs qui me faisaient des cours à distance… ce qui me permettait de ne pas perdre le fil et de m’entraîner au quotidien. Ça évite à certains de ne pas se fermer au haut niveau ; j’ai aidé au développement de cette possibilité et j’en suis fière.

Vous vous êtes spécialisée en quelle matière ?

En génie mécanique : mon projet de fin d’études porte sur l’implantation d’un atelier pour une smart factory 4.0 vouée à donner accès à des outils innovants pour la fabrication de pièces notamment dédiées à la formation… Et pour mon stage de fin d’études, j’ai des pistes dans la voile, avec l’America’s Cup pour le développement du bateau… J’ai aussi candidaté auprès de François Gabart qui a fait l’INSA aussi et a une structure à Concarneau.

De nombreux champions de voile ont une formation scientifique – comment l’expliquez-vous ?

On travaille avec des fluides, dans les voiles et sous l’eau. Faire des études d’ingénieur permet d’acquérir la compréhension des fluides et ainsi de relier nos sensations sur l’eau avec les théories physiques à l’œuvre. Je comprends pourquoi le fait que j’avance sur le bateau a un impact de même que des changements de voile… Les analyses sont ainsi plus précises, il me semble.

Où vous entraînez-vous et avec quelle organisation ?

J’ai créé ma propre structure depuis cinq ans. Je dispose de ma propre équipe avec un entraîneur voile, un prépa physique, une prépa mental, une nutritionniste, un kiné, un docteur et également un suivi de l’état de forme, un réfèrent tactique et stratégie… Je finance cela grâce à mes sponsors, dont la Banque Populaire Méditerranée. La Fédération aussi m’a aidée pour préparer les Jeux. Je m’entraîne en Italie, sur le Lac de Garde ou à Marseille, au Pôle France.

Vous avez disputé votre première régate sur le plan d’eau de Marseille, là-même où vous avez disputé les Jeux Olympiques… c’est très rare comme histoire…

Ma première régate interligue à Marseille avait été un enfer. J’avais passé la première bouée en tête, devant les garçons, mais je n’avais pas écopé l’eau de mon optimist. Or avec le vent arrière, mon bateau s’est rempli, j’ai dessalé et je n’ai pu redresser mon bateau. J’ai dû abandonner, je suis rentrée en pleurs au port… Alors disputer les Jeux sur ce plan d’eau, c’était une belle histoire, j’y ai vécu des choses assez fortes. J’avais à cœur de montrer que je connaissais le plan d’eau, qu’on était chez nous… qu’on a créé quelque chose de fort en Méditerranée.

Que gardez-vous de cette expérience des Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

Je gagne la première manche, le lendemain, j’ai donc le maillot jaune… J’avais les cartes pour aller chercher quelque chose. J’ai réussi à faire ce dont j’avais envie, à écouter mon cœur et mon feeling. Malheureusement, j’ai eu une casse matérielle qui m’a beaucoup perturbée… J’ai perdu 50 secondes, je remonte 20 places, il y avait vingt nœuds de mistral… J’ai perdu du temps et de l’énergie. Cette journée m’a couté très cher en énergie et en points au classement général. À la moitié des six jours de régate, j’étais vidée, il y a donc des regrets…

Quels sont vos points forts et vos points faibles ?

Mes points forts, c’est ma passion pour la voile, ma motivation et aussi de sentir les choses sur l’eau, de comprendre le vent. Mes points faibles… il faut parfois savoir être raisonnable, prendre les choses moins à cœur. Cette casse par exemple aux Jeux a affecté mon état d’esprit, alors qu’il aurait fallu passer à autre chose.

À quoi pensez-vous quand vous doutez ?

Je pense aux gens qui n’ont jamais cru en moi, je veux leur montrer que je suis capable… Je suis petite par rapport à mes concurrentes, je fais 1m63 ; en termes de bras de levier, cela a une incidence, on m’a d’ailleurs dit qu’avec ce gabarit, je n’y arriverais pas dans le haut niveau.

Quelles sont vos idoles dans le sport ?

Martin Fourcade, c’est une personne qui pour moi, reflète à la fois l’humain et le sportif parfait. Et puis Nadal et Federer, deux façons de faire différentes. Federer qui s’entraîne des heures pour faire croire que c’est facile, et Nadal, avec lui, rien n’est jamais fini, il est en mission…

Vous êtes repartie pour quatre ans… ?

Je repars pour les Jeux de Los Angeles. Avec l’INSA je n’ai pas pu prendre de vacances, aller sur d’autres bateaux… Je vais me consacrer à finir mes études et une fois le diplôme en poche, je vais m’organiser pour mes trois prochaines années afin d’arriver aux Jeux en leader et non outsider comme en 2024.

Comment imaginez-vous votre carrière de voileuse post Olympique ? Le Vendée Globe en solitaire dont vous rêviez petite, des courses en équipage… ?

Oui, à 12 ans je voulais faire l’INSA Lyon et le Vendée Globe comme François Gabart. Mais là ce qui me fait vibrer, c’est la course en flotte très serrée donc plutôt l’America’s Cup. Ce sont deux sports différents. Mais bien sûr que je suis le Vendée Globe.

Banque Populaire est un acteur historique du monde de la voile, en quoi son soutien a été un élément important sur cette année 2024 ?

Je ne suis pas toute seule dans le Team, ça permet de partager avec d’autre athlètes, notamment en ce qui me concerne, avec Jean Baptiste Bernaz qui avait déjà disputé quatre fois les Jeux. Il avait de la bouteille, j’avais plein de questions… Et puis bien sûr, il y a la partie financière qui me permet de financer ma structure. Enfin aux Jeux, il y avait la « Maison bleue » (initiative de la Banque Populaire Méditerranée), ça a permis à nos familles de participer aux Jeux de façon incroyable, ça a énormément aidé… C’était un moment unique, chez nous, en France, et à Marseille.

Depuis sa création en 2019, le Team Voile Banque Populaire Méditerranée a pour double objectif de créer un cercle vertueux autour des athlètes du territoire méditerranéen afin de les accompagner dans leurs défis sportifs et d’en faire des ambassadeurs de proximité de la voile permettant de mieux populariser cette pratique et l’accès à la mer.